Un mois, un garage, par le CESCQUAL

Les Ets Pichard, succursale Citroën à Tours


Cette page a été mise au point avec l'aide précieuse de Laurent, créateur du site sur la nationale 10, que je remercie infiniment et qui m'aussi orienté vers cette page avec un témoignage de Jean Louis Pichard, petit-fils du fondateur, Maurice Pichard.

Celui-ci avait fondé en 1913 une entreprise de garage automobile, et avait été précédemment agent Sigma, voiturettes CLC, puis Panhard-Levassor, Chenard et Walker, Théo. Schneider, Salmson et La Buire.

En 1924, son garage du 56 bis avenue de Grammont, à Tours, prend l'enseigne Citroën.

En 1925 le garage est refait entièrement pour le mettre aux normes voulues par Citroën (notamment l'ascenseur)

La carte précédente nous met sur la piste d'une annexe au 20 rue Michel Colombe, ouverte en 1927, et dont il existe aussi une vue.

Bon, pour cette annexe, on arrive trop tard.

Cet autre document nous donne une autre adresse à Loches (on m'épargnera le Monsieur et Madame Bonnepaire), ainsi qu'une adresse dans la zone industrielle de Joué les Tours.

Mais, si le site de Loches a bien encore son identité, il n'est plus Citroën et n'a pas grand intérêt..

Quant au site signalé dans la zone industrielle de Joué les Tours, il date de 1965.

Quand René Pichard (le fils de Marcel) reprit l'entreprise, il fit construire ce site sur 5 ha, qu'une carte d'époque nous montre sous un jour grandiose.

En 1975, René Pichard cèda le garage de Joué à la concession parisienne Banville.
L'identité visuelle changera alors, une façade vert clair avec de grosses lettres « CITROEN BANVILLE », dont je n'ai pas de photo.

Aujourd'hui il n'en reste pas de trace, après son abandon par Citroën à la fin des années 80, la zone industrielle a évolué et digéré les anciens Ets Pichard, les transformant en un vulgaire Super U.

Ainsi donc, une succursale régionale aussi florissante n'aurait laissé aucune trace architecturale pour les générations futures de Citroënistes?

On devrait donc, la larme à l'oeil, se contenter de vieux porte-clés?

 

Non.

En effet, à l'hiver 31-32, l'adresse principale, celle du 56 avenue de Grammont, avait été l'objet de travaux ambitieux conduits par Ravazé. Et ce bâtiment est parvenu jusqu'à nous.

Quelques moments-clés de son histoire:

- 1940 lors des bombardements de Tours, le garage résiste.
- Sous l'Occupation, les Allemands y réparent des moteurs d'avions
- 1944, les Allemands tentent de faire sauter le garage, en vain. Les vitres sont soufflées suite à l'explosion de la poudrière du Ripault.

- 1963, l'entreprise fête ses 50 ans, Maurice Pichard meurt à la fin de l'année

En 1985, le garage historique est cédé, et Citroën s'installe un peu plus haut, dans des locaux quelconques, au 194 avenue de Grammont.

Le site, à peine transformé, est devenu aujourd'hui un "Carglass"...

 

 

Pour la visite virtuelle, voici le lien streetview: http://goo.gl/maps/y6ZGi

Une balade dans la rue Chalmel, sur le côté, où le garage avait une autre entrée, nous montre son côté brut, massif, impressionnant, oppressant, écrasant ces bicoques en contrebas tel un chateau-fort ou une ville fortifiée.

 

L'avis du Docteur Danche

Cet édifice m'impressionne, sans savoir exactement définir pourquoi, et je suis curieux d'entendre Régis.

En tout cas je le garde.

En plus c'est là que l'authentique descendant du marquis de Sade, chatelain local, avait acheté neuve sa DS21ie.

 

L'avis de Régis (de la DRAC)

Eh bien vous nous gâtez, Docteur!!!
Quatre garages pour le prix d'un!?
Celui des années 20, deux des années 50 et 60, et enfin celui des années 30 qui fait l'objet de l'étude de ce jour!
Nous sommes face à une production Citroën traditionnelle des grandes années, sous la direction de Maurice-Jacques Ravazé, comme à Lyon. Le lien que vous proposez vers la médiathèque de la Cité de l'Architecture de Chaillot confirme la direction du grand architecte, mais avec la collaboration d'un certain Maurice Boille. Comme toujours, l'atelier d'architecture Citroën ne pouvait pas produire tous les garages à construire à cette époque; ainsi, on demandait aux architectes locaux de faire le projet, probablement sous un cahier des charges assez précis que je rêve de trouver un jour!!!
Une rapide recherche sur le web nous indique que ce Maurice Boille était architecte à Tours (bien-sûr), et a beaucoup œuvré dans sa commune et la région; ainsi, mon attention s'est portée sur une belle production très art déco, le Grand Hôtel de Tours:

http://www.legrandhoteltours.com/238-historique/693-le-grand-hotel-dans-les-annees-30.html

Mais revenons à ce garage; c'est de la grande architecture: composition du carré parfaite, principe du cadre avec à l'intérieur 3*3 baies, une très imposante corniche avec de simples modillons, deux immenses baies au rez-de-chaussée, mais probablement modifiées, avec une vitrine et une entrée.
Je pense que l'on est plus face à un garage-atelier, qu'à un garage-exposition de véhicules!? Cela semble normal de par sa position sur une nationale (d'ailleurs le blog sur la RN10 donne envie de parcourir cette route...).
D'horribles antennes de téléphonie viennent casser cette harmonie. On aperçoit la rampe... une enseigne drapeau indique "parking", ce qui nous informe que c'est toujours utilisé, et que tout est là en terme de rampes et planchers!!!!
Alors que dire des autres façades, de pure style.... industriel, mais c'est même pire!!! Une structure béton habillée de parpaings de ciment non enduits et de grandes baies horizontales; c'est l'envers du décors! La parcelle semble avoir été négociée au cm près, tant le garage vient contre les maisonnettes! De plus la grande dimension écrase les simples maisons de 1 à 2 niveaux; pourquoi aucune finition!? Et bien comme souvent, ces garages sont un décors de théâtre sur une rue ou une avenue prestigieuse, et l'arrière est un simple parement, comme une usine construite à la va-vite; à Lyon, j'ai constaté souvent cette situation, notamment sur deux garages dont j'ai demandé la conservation, sur l'ex RN7; par contre, la concession Citroën de Lyon est de belle finition sur toutes ses façades, car sa position sur un îlot complet, et donc 4 rues, ne permettait pas une brutalité de la "non-finition" de ses façades (en dehors un peu de la façade sur la rue Béchevelin....).

L'intérieur semble en plus assez bien préservé: rampes, sols, garde-corps.... la structure béton est superbe, et rappelle beaucoup les grands ouvrages de la même époque, comme la succursale de Lyon; j'aime beaucoup le jeu des poutres béton. Voilà un digne témoin de ces grands garages fort bien conservé!!!

Oui, je garde ce garage, bien-sûr!

On m'a dit d'ailleurs (mais ce serait à vérifier) qu'il est noté "bâti à préserver" dans le Plan Local d'Urbanisme (protection par la mairie de type article L123.1.5,7 du code de l’urbanisme).

 

L'avis d'Ivan

Moi je garde la carte postale. La 21 rouge cornaline (?) à toit gris est à tomber, et je note avec satisfaction que les propriétaires de Pallas étaient accueillis par une hôtesse pimpante, quand les bouseux en ID devaient aller s’adresser directement au réceptionniste, Monsieur Marcel, lequel, dès huit heures du matin, sentait des aisselles et refoulait du goulot.

ND DrD: suite à ce texte d'Ivan qui comportait une approximation (annotée d'ailleurs d'un point d'interrogation), nous avons malheureusement dû lire cet entrefilet dans la presse régionale: blog Estipallas

 

 

L'avis de Jérome

Je garde aussi ce garage, en tout cas, je garde cette façade monumentale très typée Art Déco comme le souligne Régis, avec ce principe du grand cadre. J'aime beaucoup. Le principe de la façade soignée sur rue, façon décor de théâtre est un principe qui existe depuis toujours en architecture urbaine : tous les immeubles (et pas seulement les garages) sont construits sur ce principe. Le plus grand exemple dans Paris : la place Vendôme. Danche nous met un lien vers la cité de l'architecture et du patrimoine, il faut y courir avant le 3 mars prochain, voir une magnifique expo "1925, quand l'art déco séduit le monde" Comme d'habitude cette belle façade est enlaidie et polluée par la signalétique désastreuse, par les enseignes et autres équipements placés là sauvagement. Mais que fait la Drac ???

C'est dingue ce qu'Ivan est naîf : l'hôtesse n'est là que pour le jour de la photo, ce n'est que de la mise en scène pour la carte postale. Elle vient de remettre deux porte-clés en plastoque au chieur en Pallas pour lui donner l'impression qu'il est plus important que tout le monde. Et il est reparti content. Cette carte postale est assez ringarde et kitsch, il faut bien le reconnaître !

 

Verdict du Cescqual: la DRAC doit-elle préserver ce bâtiment?

Oui! On garde le garage et la carte postale.